Il fait chaud, trop chaud alors que l’on est en plein hivers. Je transpire et c’est pas bon, pas bon du tout. Dans moins d’une heure je serai dehors. J’enlève les quelques journaux que j’ai mis sous mes habits à même la peau. Je dois cesser de transpirer parce qu’il fait moins 12° dehors et quand ils viendront nous mettre dehors pour nettoyer la gare et que je transpire, je risque l’hypothermie. Je dois faire attention à tout depuis que je suis dans la rue. C’est du boulot. Avant j’avais un emploi comme tout le monde, enfin presque tout le monde. Mais je ne travaillais pas autant qu’aujourd’hui.
Beaucoup de personnes pensent que l’on fou rien et qu’on ne travaille pas. Foutaise ! Je suis débordé. Si on a une démarche non-chalente quelque fois c’est parce que nos articulations ne nous permettent plus le déplacement rapide. Tiens voilà la dame avec son thermos de soupe. Elle va encore nous poser pleins de questions et qu’on essayera de répondre comme elle veut l’entendre afin qu’elle continue à nous faire souper. Une soupe qui saoule come dirait Maurice. Il a l’air dans un piteux état, je sens que la fin approche et que ça va être de plus en plus dure pour lui. Eh oui pas de maison de retraite pour les sdf. En même temps, aux yeux des gens on ne fou rien alors la retraite on l’a prise lorsqu’on a décidé de vivre dans la rue.
Oui monsieur on l’a décidé, je l’ai décidé. En tout cas pour moi. Les raisons ? Je ne sais plus exactement pourquoi ou plutôt je ne veux plus en parler et surtout ça ne vous regarde pas. Mais je sais surtout pourquoi je ne veux pas vivre comme vous. Oui comme vous. Vous les misérables, ceux qui courent pour leurs inconforts, ceux qui se réjouissent d’avoir un toit et qui vivent dans la peur de le perdre. Moi je n’ai plus rien à perdre, compris ? J’ai pas peur et je vous emmerde. Putain de vie ! Je vous plains, vous êtes pas libre. Ouais libre, je suis liiiiiibre. P’tit con, qu’est-ce que t’as à me regarder. Moi j’m’en fou, oui moi j’m’en fou. Si c’est vrai que bien d’être propre sur soi et de regarder la télé tous les soirs, alors pourquoi le monde est un lieu ouvert. Oui ouvert. La nature madame oui la nature. Ouais vas-y colle toi de la peinture sur le visage histoire de te donner une impression de beauté, mais t’es laide intérieurement. Moi mon maquillage c’est la terre, la terre de nos ancêtre et pas le massacre des baleines. Moi mon chauffage c’est le soleil et pas les déchets nucléaires. Moi mon eau c’est la pluie et pas la pisse que vous recycler.
Oyé Oyé ! Pisseur qui ont pissé ! J’anime vos conversations quotidiennes. Quand vous croisez ma vie vilaine. Vous vous soulagez de votre vie, croyant que la mienne est plus pourrie. Sachez que l’étrange c’est que votre vie dérange. Que la nature est ma maison et que la vôtre c’est d’être couillon. Que je suis libre comme l’air et pas cloitrer comme ta mère. Que je pisse au gré au vent rejoindre la pluie et le temps. Que quand tu t’assoupis devant la télé, moi c’est un ciel étoilé. PD – tox et rejeté, nous sommes la société.
