Encore hier, je ne faisais que battre. Une grosse veine me diriez-vous ou peut-être une artère, je ne sais plus. Aujourd’hui c’est un cœur… Plus tard, j’étais à fleur de peau mais j’ai compris que c’est le derme et l’épiderme qui se formait. Du coup, je me faisais de la bile mais encore une fois c’est ma vésicule.
Bref, quoi que je ressentais, il y avait une raison derrière même lorsque j’avais les nerfs. Mais à un moment donné tout s’est calmé. Le silence, plus aucune sensation, plus rien du tout. Quelque temps plus tard, des sons sans explications. Au début ça me faisait sursauter et je ne comprenais pas mais au fur et à mesure je me suis habitué à tous ces bruits.
Je crois que c’est une forme de mélodie, des fois grave et des fois aiguës. Une musique aussi et j’ai commencé à faire les liens. J’ai remarqué par exemple que quand c’était agité et que ça bougeait fort, j’entendais une respiration forte et même je voyais l’organe au-dessus de moi se gonfler et se dégonfler fortement.
Mais le meilleure c’est quand j’ai commencé à ressentir ce que maman ressentait. Ses émotions, ses pleurs, ses rires, ses joies et ses tristesses. Je sens tout et j’entends presque tout. Malheureusement, je ne vois rien. On raconte qu’à un moment je pourrai voir des choses extraordinaires avec plein de couleurs, mais moi je crois que l’on est malvoyant toute notre vie.
Tiens maman est triste aujourd’hui, quelqu’un juste avant lui avait parlé fortement et elle aussi d’ailleurs et maintenant je sens que du liquide lui sort des yeux. Moi le liquide j’aime bien, c’est agréable et chaud et ça me berce lorsque je suis fatigué et que j’ai envie de dormir. Mais je sens que ce liquide qui sort des yeux est acide et piquant et que ça ne fait pas beaucoup de bien.
Mais bon ! C’est des choses que je ne peux pas comprendre à ce qu’il parait, les choses des grands. Oui parlons en des grands, ils savent mieux que personne et pourtant ils se plantent tout le temps. Un jour ils disent qu’il faut faire comme ça et puis le lendemain ils disent le contraire. Moi c’est décidé, je ne deviendrai jamais un adulte.
Avec le temps, je me sens à l’étroit. Plus j’avance et plus ma liberté de mouvement se restreint. Je crois que dans la vie c’est pareil. Au début on est jeune et on bouge tout le temps et plus on vieillit et plus on se restreint ses déplacements pour finir dans un enclos qu’ils appellent maison de repos. En fin de compte, ma vie dans le ventre de ma maman est un grossier résumé de ma vie future. Eux parle de vie après la mort et moi je parle de vie après la naissance.
Eux baignent des fois dans le bonheur et moi je baigne dans un liquide qui s’appelle lui « amniotique ». Moi je me fais porter pendant 9 mois mais eux se font transporter toute leur vie. Je grandis ils grandissent.
Oh c’est quoi ce bordel ! Maman ne veut plus de moi. Elle crie et tout se contracte autour de moi. Je crois que c’est la fin ou le commencement je ne sais pas. Je n’ai pas envie, j’entends crier, il fait froid. Je crois que je me meurs ou que je rentre dans la vie. La vie fait affreusement mal.