Le jour se levait à peine. De grosses gouttes s'écrasaient sur le bitume encore tiède. A travers les carreaux crasseux, j'observais les volutes de vapeur s'élever d'un oeil morne. L'horloge murale indiquait 9h20. Je n'avais aucune envie de me lever. Pour qui ?
Pour quoi ? Pas de boulot, pas d'argent. Ca limite les possibilités de distractions. Je me rendormis une demi heure et fus réveillé par des coups insistants sur la porte d'entrée. "Ouvrez, je sais que vous êtes là feignant ! Mais ouvrez donc !" Mes yeux se posèrent sur le calendrier accroché au mur de la cuisine : 30 juin 2015. Eh merde ! Le proprio allait encore me réclamer le loyer. Je m'habillai en vitesse et sortis par la fenêtre. J'errai quelques temps dans les rues tristes de la ville. J'avais faim.
J'achetai une barre de céréales et un journal dans une boutique. Au moment de payer, j'aperçu des tickets à gratter sur le comptoir. J'en choisis un au hasard et partis m'installer dans un bar savourer un bon café. Comme d'habitude, le journal ne donnait pas de bonnes nouvelles. Je me demandais pourquoi je l'achetais encore. Je me souvins alors du ticket à gratter. Je me pris à imaginer ce que je ferais si je gagnais un million d'euros. Les voyages magnifiques que je ferais, la maison splendide que je m'offrirais, le train de vie de rêve que je mènerais, mais aussi, toutes les personnes que j'aiderais. Je suis resté là tellement longtemps que j'ai été surpris lorsque le patron a dit, à l'attention des derniers clients, qu'il fermait son établissement. Je devais donc me décider à regagner le petit studio que je louais à quelques rues de là. En m'entendant rentrer, le proprio me tomba dessus. En guise de loyer, je lui cédai le ticket à gratter. Il se mit en colère, crut que je me moquais de lui. Lorsqu'il fut un peu calmé, je lui expliquai que ce ticket valait plus qu'un loyer. Tant qu'on ne le grattait pas, il fournissait des rêves à n'en plus finir.
Et ça, aucun loyer ne pouvait le lui offrir !