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Je m’appelle Annie Ernaux. J’ai 35 ans et je suis devenue ce que je détestais lorsque j’avais 16 ans. Moi, une dame qui enseigne. Moi une dame qui explique à des petits enfants ce qu’ils doivent apprendre. Tiens en regardant de près les élèves, je comprends que la vie commence déjà derrières ces bancs que l’on peut comparer à un bar pour certains.

Il y a Emile, ce futur pilier de comptoir, toujours le premier à rentrer et le dernier à sortir. Thierry toujours dévoué à distribuer des feuilles en classe – un futur facteur comme dans le bar épicerie de mes parents. Charlotte cherche constamment à séduire ses camarades de classe pour se faire payer des bonbons à la récré. Et la racusette de Maurice – « Madame, il a fait ci il a fait ça » - futur gendarme.

Et puis il y a moi qui tous les matins vient déclamer sa leçon. Suis-je une bonne institutrice ? Probablement aux yeux de l’institution OUI, mais pas aux miens. Je leur apprends à lire, mais pas à réagir. Je leur apprends à écrire mais pas à s’exprimer par l’écrit. Où sont nos libertés, nos fraternités, nos égalités ?

Aujourd’hui, j’ai décidé de donner ma dernière leçon, l’ultime leçon, celle de la vie, de toute une vie. J’ai envie de leur dire qu’ils désobéissent aux exigences, qu’ils s’inscrivent dans un devoir d’insolence. Que la meilleure leçon c’est celle que l’on se donne à soi-même, celle que l’on vit.

J’aimerais dire à mes chers petits que le monde ne se gravit plus, mais s’escalade. Ils doivent surmonter et cheminer à leurs rythmes vers un avenir incertain.

Qu’importe d’être grand, l’important est de devenir grand.

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